Retour sur l’EPI de 3e : » Sur la piste des héros de l’ombre «
Lundi 3 juillet 2017, une restitution de l’enseignement pratique inderdisciplinaire « Sur la piste des héros de l’ombre » associant l’histoire, le français et l’allemand s’est déroulée au collège Jean Lartaut à l’occasion de la remise des prix aux gagnants du rallye en présence des élèves, des parents d’élèves, et des représentants des associations qui ont soutenu et contribué au projet : le Souvenir Français, Jeep Mémory 44, l’ANACR 16. Nous remercions également Jacques Baudet et Hugues Marquis pour leurs conseils avisés. Ce projet a mobilisé avec énergie et enthousiasme l’équipe des enseignants de français, d’histoire-géographie, d’allemand et de musique du collège tout au long de l’année.
Tout commença en mai 2016 : un article de presse de la Charente Libre invite les lecteurs à participer à un rallye sur les traces de la Résistance en Charente organisé par l’ANACAR et Hugues Marquis. Mme Mallard et M. Temdaoui ont participé à cette initiative qui leur donna envie de se lancer, comme des détectives, dans une estivale enquête préparatoire sur les Résistants jarnacais pour leurs élèves. C’est en partant alors sur la piste des femmes et des hommes de la Résistance en Charente qu’est née l’idée d’un projet pour nos troisièmes ! Durant l’année scolaire 2016-2017, de Jarnac à Bouex, les Troisièmes du collège ont découvert en classe et hors les murs, à l’occasion de deux journées, aux Archives départementales et sur le terrain les itinéraires des Résistants charentais à partir de la vie de deux Jarnacais.
Ces deux journées ont été l’occasion de fréquenter, ici et là, les traces d’un passé de la région au temps de la Résistance sous l’Occupation : les mots, ceux de l’archive de l’époque conservée à Angoulême, ceux de la pierre gravée à Lartige, Bouteville, Armelle, Angeac ou la Braconne, enfin ceux des voix empreintes de sentiments et d’émotions des témoins de l’époque, soucieux de transmettre le sens et l’esprit d’une époque, Mme Tatou au château d’Anqueville, M. Duruisseau à la ferme de Bouex, tous ces mots ont guidé la découverte des lieux de la Résistance en Charente.
L’itinéraire a commencé par les Archives Départementales de la Charente et l’Espace Mémoriel de la Résistance et de la Déportation. Nous avons travaillé avec les collègues enseignants et archivistes du service éducatif des Archives départementales. Après avoir consulté avec les collègues jarnacais en juin dernier les liasses d’archives de la Résistance (classées en série W), nous avons isolé un corpus de procès-verbaux de police du commissariat d’Angoulême relatant des rondes policières constatant la présence d’affiches contre l’Occupation et le Régime Nazi. Ces documents, travaillés en groupe, furent l’occasion de fréquenter un papier de plus de 70 ans à l’état brut et de comprendre le fonctionnement du système policier de l’époque tout en envisageant les mobiles de l’action résistante. Des documents relatant des faits de sabotage résistant en Charente dans les régions de Jarnac et Châteauneuf ont permis de compléter cette approche concrète. La visite de l’espace mémoriel de la Résistance et de la Déportation, poursuivait cette approche en ouvrant sur le contexte de la Résistance charentaise, sur les parachutages ou encore sur la déportation. Cette première journée au musée visait à donner les clefs de compréhension générale de la période avant l’étude de terrain.
La seconde journée a conduit les élèves sur les traces de la Résistance à partir de l’identité des deux Résistants commémorés à Lartige : Robert Nivet et André Pauillac. En remontant le fil de leur histoire, nous sommes partis sur les traces du maquis d’Armelle, né à Anqueville, puis sur celles du tragique combat de Douvesse au carrefour de Boisne, avant de revivre l’atterrissage de Londres d’Hypothénuse et de Sappe organisé par le Bureau des Opérations Aériennes à Angeac sur les bords de la Charente. A Brie, dans la forêt de la Braconne, c’est avec une émouvante lettre d’Armand Jean, ouvrier de la poudrerie de Ruelle, écrivant à sa femme la veille de son exécution, retrouvée dans les archives, que nous envisageons la tragique histoire des fusillés de la Braconne, avant de nous rendre à Bouex, à la ferme Duruisseau, sur le chemin de la Section Spéciale de Sabotage : entre les anecdotes signifiantes de Gérard Duruisseau, les objets du petit musée familial permettant de comprendre les actions de la SSS et le chant des partisans entonnés par nos élèves sous la direction de Pascal Lesaint aux sons du piano, accompagné au violon par Aurèle Rodène-Paupy, on revit une période que les voitures d’époque de l’association Jeep Memory 44, les bérets et les mitrailleuses des passionnés de la Résistance rendent présente avec le souci de transmettre cette histoire des Résistants et les valeurs qui les animaient. Les mots uniques de Gérard Duruisseau, propriétaire de la ferme, et l’exposition de voitures d’époque animée par la passion de Patrice Antoni, président de l’association Jeep Memory 44 ont livré aux élèves du collège une plongée dans l’ambiance d’une époque.
Cet itinéraire, que nous avons volontairement voulu dense et riche avec les collègues du collège Jean Lartaut, sous la fougue passionnée de Claire Mallard, a été suivi avec détermination par Marion David, reporter curieuse et créative, à l’affût du moindre détail pour capter l’esprit de ces journées dans un film. Les élèves ont travaillé à partir d’un livret réalisé par nos soins : extraits de carte IGN, photographies d’époque, transcriptions de documents d’archives, associés à une bibliographie abondante ont permis de créer un document de travail riche associant le sens de l’analyse à la recherche des indices pour comprendre l’esprit de ces lieux de Résistance.
Ces lieux et ces papiers que nous avons interrogés nous ont invité, petits et grands si je puis dire, à relire notre espace vécu le temps d’une journée : nul doute qu’il est empreint d’une histoire à narrer, à laquelle nous devons être sensible. Cette sensibilité, les élèves ont eu à l’exprimer en réalisant leur valise. Au moment, de l’engagement, voilà l’objet incarnant une véritable réflexion sur le choix. Remplir le bagage d’objets, signifiants ou insignifiants, précieux ou ordinaires, des images, des écrits, le combler de souvenirs à foisons, d’une personnalité à juste raison, voilà une manière pour eux de prendre possession de l’esprit passé – mais toujours présent – d’une incontestable détermination. Métaphore inconditionnelle du voyage, la valise annonce le début d’une nouvelle aventure que la fin de leur année de troisième augure ! Ces valises, exposées au collège à l’occasion de cette soirée témoigne d’un sens aigu d’une Histoire recherchée dans la poussière d’un grenier, entre vieux objets et vieux papiers… Après les mots du chant, après l’étude sérieuse, voilà une manière bien ingénieuse d’exprimer son regard sur le passé. Germain Constantin, photographe, nous propose de saisir à travers ses photographies l’empreinte de cette sensibilité en nous livrant une galerie riche d’intérêt où les photographies de ces valises côtoient la reconstitution par les élèves et les enseignants, le temps d’une image, d’une bande de Résistants prêts à agir, vêtus des valeurs et des idéaux fondateurs.
Jean-Christophe Temdaoui et Claire Mallard.